Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Lorraine Religieuse - Page 5

  • histoire des chrétiens de Lorraine #10

    10  Christianisme et culture antique.

    Comment s’est passée la rencontre entre le christianisme naissant et la culture gréco-romaine antique ? Quand la foi chrétienne arriva dans nos régions du Nord de l’Europe, la rencontre avait déjà eut lieu, principalement en Orient, et les relations étaient déjà posées dans ses grandes options.

    Evoquons rapidement cette « rencontre » et explicitons le résultat qui arrive chez nous ! Nous avons vu comment très vite la culture antique et la foi se sont rencontrées chez nous cher St Vincent de Lérins ou St Loup.

       « Le christianisme est une religion et son objectif initial n’est pas de promouvoir les sciences et les arts. » La foi chrétienne commença par être très résolument hostile à la culture antique parce qu’elle était païenne !... même si les premiers chrétiens étaient imprégnés de cette culture qui étaient la leur quand ils vinrent à la foi ! (C’est vrai pour St Justin, Tatien, st Clément d’Alexandrie...) Les 1er siècles en fait aboutirent à « une christianisation des savoirs antiques ». Il se fit un grand tri dans le savoir antique, tri entre ce qui n’était pas compatible avec le foi et ce qui l’était ! Et « à la fin de l’Empire romain d’Occident, la culture antique était passée du statut « d’héritage discuté » à celui de « patrimoine accepté » et le monde lettré, selon les termes de P Athanassiadi, « d’une culture anthropocentrique à une culture théocentrique ». Le changement était d’importance. »

       La grande question était d’établir si on avait le droit de recourir aux connaissances antiques ou s’il fallait s’en tenir uniquement à l’enseignement biblique. La réponse prit un peu de temps et de débats mais on aboutit à ceci :

     - « l’élément déterminant fut ici que les chrétiens n’avaient pas mis en place une école confessionnelle centrée sur les Ecritures ; il n’y avait pas d’école évangélique. »

      - « Tout le monde continuait de passer par le modèle scolaire antique, la païdeia, grec à l’origine puis adopté par les romains. » Tout le monde apprenait à lire dans la littérature païenne, dans le théâtre, les livres d’histoire et de philosophie. Ce modèle des 7 disciplines fondamentales qui courut durant tout le Moyen Age jusqu’à la Renaissance en Europe, appelés à devenir « les Arts libéraux » des facultés jésuites fut mis en place sans doute au 3ème siècle.

      Le premier contact fut un choc frontal, culture grecque, foi chrétienne. Tertullien déclara : « Qu’y - a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem ? Entre l’Académie et l’Eglise ? » Mais très tôt d’autres auteurs furent plus nuancés et plus positifs tout en restant vigilants: St Justin philosophe devenu chrétien et martyr, St Clément d’Alexandrie.. Un peu plus tard, St Basile de Césarée « affirma l’utilité de lire les auteurs profanes. » St Grégoire de Naziance parle du tri à faire et il ajoute, positif, « Il n’est pourtant pas jusqu’à ces erreurs mêmes qui ne puissent nous servir à la piété, en nous faisant comprendre le bien par le contraste du mal, en prêtant leur faiblesse à la force de notre doctrine. »39

       Mais le grand artisan de l’acceptation positive et transformante pour la culture antique par la recherche religieuse chrétienne est Origène dans son école de Césarée de Palestine. «Le remerciement de Grégoire à Origène (vers 233-238) témoigne de l’ouverture de son enseignement à la majorité des écoles philosophiques. » On mit la philosophie au service du dogme chrétien... ce qui lui fit un peu violence mais permit aussi la survie de la philosophie antique ! Et le Concile de Nicée en 325, devant

    l’obligation expliquer et d’expliciter le langage biblique eut recours au vocabulaire grec et à des termes grecs précis pour définir les relations du Père et du Fils au sein de la Ste Trinité. « C’est ainsi que les chrétiens ont procédé à une relecture de la philosophie païenne, en l’interprétant et en l’évaluant à la lueur de la Révélation. »

       Les chrétiens ne créèrent pas une culture complètement nouvelle en faisant table rase du passé grec. Ils firent avec le matériau dont ils disposaient quitte à inverser le sens de la recherche culturelle : de l’anthropocentrisme au théocentrisme. « Le christianisme se développa au sein de la culture antique, en partie en opposition contre elle mais aussi en subissant son influence et en l’infléchissant en retour. »

      Cela se constate particulièrement dans la façon d’écrire l’histoire que la foi chrétienne changea complètement. Les chrétiens héritaient à la fois de la façon de faire juive et de celle de faire grecque ! Au début, avec Eusèbe de Césarée, on sent encore les modèles anciens. Mais à partir du 5ème siècle, la façon de faire chrétienne émerge et se confirme : on insiste sur la succession des empires et sur la chronologie en remontant à l’origine du monde ; on introduit des considérations géographiques et ethnographiques. «Alors que les auteurs païens voyaient dans l’Histoire ou bien un moyen de se remémorer les hauts faits ou bien la révélation de l’essence humaine,...alors que les juifs se cantonnaient principalement à une Histoire sainte, les chrétiens y virent l’élucidation du devenir universel de l’Humanité, lié à la mission de l’Eglise. » L’histoire a un sens, on va vers la venue Royaume de Dieu.

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #9

    La vie chrétienne dans notre région du 5ème au 6ème siècle.     

    9

    La foi chrétienne s’implante progressivement... et lentement dans notre région... dans les villes ou petites cités, dans les domaines ruraux assez vastes, dans les familles patriciennes comme dans le peuple. L’origine sociale de nos deux martyrs – fils de patricien et bergère – le montre.

             5ème siècle

    L’élite de cette période à laquelle appartiennent les évêques et bien des clercs est particulièrement cultivée et savante. Ils ont assimilé et développé le meilleur de la culture gréco-romaine dans un pays qui a accepté facilement la romanisation. Deux célébrités nées à Toul marquent le siècle : Loup futur moine de Lérins et évêque de Troyes et Vincent moine de Lérins et théologien.

    Statue_de_saint_Loup.jpeg         Loup naquit à Toul vers 395. Il épousa Piménolia, la sœur de St Hilaire d’Arles. Après 7 ans de mariage, les deux époux, d’un commun accord, se retirèrent du monde : Loup à Lérins, sous la direction de St Honorat. Au bout d’un an, Loup vend à Mâcon les propriétés qu’il y possède et donne l’argent aux pauvres. Nous sommes en 425. Passant à Troyes, il y est élu évêque. En 429, il accompagne St Germain d’Auxerre dans sa mission en Bretagne pour arrêter la propagande pélagienne. En 451, alors que les Huns sont à Troyes, il rencontre Attila et le convainc de ne pas ravager la ville. Il meurt à Troyes en 479.

             La vie de St Loup est très intéressante : elle nous montre comment ont évolué dans leur foi certains couples de patriciens : chrétiens peut-être déjà un peu tièdes, lettrés, parfois hommes politiques, mariés, avec de grandes possessions ; puis à un moment, naît le désir de vivre l’Evangile au pied de la lettre : vente des biens, séparation du couple et épiscopat ou vie monastique pour l’homme. Nous pouvons rapprocher de cette vie de St Loup, celle de St Hilaire de Poitiers (315-367), St Paulin de Nole (353-431) ... St Sidoine Apollinaire (430- 489)... Ecoutons Benoît XVI évoquer cet itinéraire de Paulin qui vaut sans doute pour St Loup : « La conversion de Paulin impressionna ses contemporains. Son maître Ausone, un poète païen, se sentit "trahi", et lui adressa des paroles amères, lui reprochant d'une part le "mépris", jugé insensé, des biens matériels et, de l'autre, l'abandon de la vocation de lettré. Paulin répliqua que son don aux pauvres ne signifiait pas le mépris des choses terrestres, mais plutôt leur valorisation pour l'objectif plus élevé de la charité. Quant aux engagements littéraires, ce dont Paulin avait pris congé n'était pas le talent poétique, qu'il aurait continué à cultiver, mais les thèmes poétiques inspirés de la mythologie et des idéaux païens. Une nouvelle esthétique gouvernait désormais sa sensibilité: il s'agissait de la beauté du Dieu incarné, crucifié et ressuscité, dont il se faisait maintenant le chantre. En réalité, il n'avait pas abandonné la poésie, mais il puisait désormais son inspiration dans l'Evangile, comme il le dit dans ce vers: "Pour moi l'unique art est la foi, et le Christ est ma poésie" ("At nobis ars una fides, et musica Christus": Chant XX, 32).29              

            Vincent, lui aussi, est né à Toul, d’une famille illustre des Gaules, dans les mêmes années que Loup. Il est peut-être même le frère de Loup. Il commence sa carrière par le métier des armes puis se retire à Lérins sous la conduite d’Honorat et devient prêtre. C’est un très bon connaisseur de la Bible et de la tradition théologique. Il tient que l’Ecriture ne peut être lue sans la Tradition. Il meurt en 448 ou 450 après avoir écrit une belle œuvre théologique et s’être fortement opposé à St Augustin sur le péché originel et surtout sur la prédestination. Il est surtout connu pour son Commonitorium (écrit en 434) et sa théologie du développement des dogmes et de la doctrine. (texte du Commonitorium sur le site patristique.org ICI )

  • L'histoire des Chrétiens de Lorraine (#5 à #8) ... sur RCF

    Retrouvez les propos de ces quatre articles de l'histoire des Chrétiens de Lorraine, par le Père Bombardier, dans l'émission mensuelle de RCF :

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #8

    8

        Les premiers saints, martyrs sous Julien l’Apostat (330-363). Les martyrs de notre région ont reçu la couronne des témoins jusqu’au sang sous la persécution de Julien l’Apostat de 361 à 363.

       L’Empereur en effet, souhaite un retour à la philosophie antique et au paganisme : il persécute donc les juifs et les chrétiens. Cette date tardive des martyrs est une confirmation de plus de la petitesse et de la discrétion de la communauté chrétienne du pays des Leuques. Dix ans plus tard, les chrétiens seront plus hardis pour détruire, par exemple, le temple de Deneuvre. (375)        

    Approchons de plus près ces belles figures de témoins du Christ, jusqu’au bout, au mépris de la mort.                             

     

    Ste Libaire_3.JPG  Sainte Libaire une bergère.

    Elle naquit et mourut à Grand, à l‘ombre du Temple d’Apollon dont nous avons parlé. Sa vie nous est connue par une Passion écrite au 11ème siècle. Bergère, chrétienne de la première génération, elle fut arrêtée pour ce motif et fut sommée d’adorer les divinités officielles. Son refus entraîna son exécution, « sur la voie romaine, en direction de Soulosse, à la deuxième  borne milliaire ». Les fidèles ramenèrent son corps dans la ville, aux portes, là où s’élève aujourd’hui la chapelle qui lui est dédiée. Un cimetière – qui existe toujours - commença à se former autour de sa tombe.


    Statue de Sainte Libaire au musée de la terre à Rambervillers1 (1).png

    La chapelle Ste Libaire à Grand

    2 (1).png

    Vie de Sainte Libaire en bande dessinée ICI

     

    elophe.pngSt Elophe.

    C’est le premier martyr lorrain et l’un des plus anciens personnages religieux connus de notre histoire. Comment le connaissons-nous ?  Par une Passion contenue dans un manuscrit de Cologne, rédigé peu après 1036, et conservé à la bibliothèque Royale de Bruxelles. D’autres manuscrits se trouvent dans les bibliothèques de Glogaw  en Silésie, de Ratisbonne, Trêves…

    Saint Elophe : statue du XII dans l'église Groß St Martin de Cologne

     

     

    Nous sommes donc toujours sous Julien l’Apostat. Selon le récit de sa Passion, Elophe appartenait à une famille patricienne de Grand et aurait plusieurs frères et sœurs : Euchaire, Menne, Libaire (la martyre ?), Suzanne, Ode et Gontrude.  C’était un chrétien zélé et intrépide qui n’hésitait pas à proclamer sa foi à Grand et à Soulosse (Solimariaca), petite ville construite en dessous d’un oppidum gaulois situé sur le haut de la colline et signalé dans les anciennes cartes que sont l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger. C’était un relais romain situé auprès du pont qui enjambait le Vair.

    Le zèle d’Elophe le conduit même à détruire des idoles païennes. Arrêté par les autorités romaines locales, il est jeté en prison, jugé et condamné à la décapitation, signe de sa condition sociale élevée. L’exécution a lieu au bord du Vair, à Soulosse aujourd’hui. La légende raconte qu’aussitôt après son exécution, il prend sa tête dans ses mains et remonte la colline voisine avec un arrêt dans la montée au bord d’un rocher qu’on voit encore, avant de mourir, en haut de la colline, là où se trouvent aujourd’hui l’église et son tombeau. Un pèlerinage se crée aussitôt, ininterrompu jusqu’à nos jours, et de nombreux miracles. Telle est rapidement résumé le texte de cette Passion lue aux fidèles à Cologne chaque année au 16 octobre. 

    3 (1).png

    Le tombeau de St Elophe dans le chœur de l’église. Ce tombeau est une dalle sur sept petits piliers auxquels s’adossent des figurines  humaines : la famille de St Elophe ? Mais il y a aussi Véronique et son linge ? St Elophe, en gisant, est représenté en diacre…puisqu’il prêchait ! Son visage est particulièrement paisible.

    4 (1).png

    Le portement de tête : ce fait est raconté pour la vie d’une soixantaine d’autres martyrs. On les appelle les saints céphalophores. Le plus célèbre est St Denis de Paris. Ce détail a une portée mystique : St Jean Chrysostome dit à propos de deux martyrs décapités d’Antioche : « De même que les soldats montrant les blessures qu’ils ont reçues en combattant, s’adressent au Roi avec confiance, ainsi les martyrs portant dans les mains leur tête coupée, obtiennent du Roi des Cieux tout ce qu’ils veulent. » La théologie est devenue légende avec une vision mystique : le martyre a unifié sa personne dans la grâce et le signe est que sa tête (l’intelligence et la compréhension rationnelle) est dans son cœur (siège de l’affection, des émotions mais aussi, surtout selon la bible, centre de la personne, là où Dieu habite en l’homme.)

    ob_207cbb_saint-elophe.JPG

                L’archéologie complète nos sources écrites : le catalogue des fouilles faites à Soulosse présente une centaine de très beaux objets découverts en 1694, 1818, 1948 et 1967. Parmi ces objets, deux, du 4ème siècle, nous intéressent plus particulièrement dans notre histoire : une inscription lapidaire déposée au musée d’Epinal, en mémoire de deux femmes qui étaient devenues chrétiennes ; une coupe de bronze sur laquelle est gravée le poisson. En effet, en grec, le mot poisson s’écrit « ichtus » et chaque lettre parle du christ dans une belle profession de foi !

    I          Iesus
    Ch       Christ
    T         de Dieu (theos en grec)
    U         le fils (uios en grec)
    S          Sauveur. 

     

    5 (1).png

    Deux exemplaires provenant des catacombes St Callixte à Rome 

    6 (1).png

    De plus, autour du tombeau du saint dans l’église, on a trouvé des tombeaux mérovingiens, datant du 6ème siècle, de notables qui se sont fait enterrés là volontairement. La dévotion au saint date donc d’une époque proche de son martyre.[1]

    On peut suivre à pied le chemin du martyre : La chapelle Ste Epéotte : lieu de la décapitation, dans un méandre du Vair. Elle date du 16ème siècle. Elle fut tenue longtemps par un ermite. La fontaine, à mi-côte, source coulant d’un versant calcaire bien connue dans nos régions. La reculée : une petite grotte dans un rocher, lieu de  repos du martyr ;  la chaire de St Elophe dans le cimetière : elle proviendrait d’un édifice gallo-romain des alentours car la pierre n’est pas celle du pays ou peut-être même de l’amphithéâtre de Grand, comme les sièges curules réservés aux notables. Enfin, l’église et le tombeau : du 11ème siècle et du 13ème, terminée au 16ème siècle.

    7 (1).png

    Chapelle Sainte « Epeotte » (= la petite épée) au bord du Vair où fut décapité St Elophe.

    8 (1).png

    Depuis la chapelle Ste Epéotte : l’église sur l’oppidum où est enterré St Elophe

    Visite de la chapelle Ste Epéotte ICI 

    [1] St Gérard en 965 vint vénérer les reliques, en fit trois parts, une pour le lieu, une pour la cathédrale de Toul et une pour Cologne (Grand St Martin puis aujourd’hui la cathédrale) qu’il se chargea lui-même de porter dans sa vile natale. On possède même le parchemin du Xème siècle relatant l’acte de St Gérard !

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #7

    Miracle de Saint Mansuy par Jacques Callot

    7

                St Mansuy – le premier évêque de Toul – construisit un Oratoire pour la communauté et sa propre résidence. Il l’édifia aux portes de la Cité, hors les murs, ce qui semble indiquer que la communauté chrétienne devait être modeste et discrète. Quelques dizaines familles sans doute.

                Cet oratoire, Mansuy le dédia à St Pierre. Ce lien à St Pierre est très symbolique et intéressant : cela ne veut pas dire, comme on l’a enseigné longtemps, que l’apôtre Pierre avait envoyé Mansuy à Toul ! Cela montre simplement l’attachement, dès le commencement de son existence, au siège de Pierre par lequel Toul est rattachée à la mission apostolique. Mansuy a peut-être été envoyé par le « Pierre du 4ème siècle » comme on disait à l’époque des conciles :

    Plusieurs papes sont concernés puisque Mansuy aurait commencé son ministère en 338 : St Sylvestre Pape de 314 à 335, St Marc de Janvier à Octobre 336 ou St Jules 1er du 6 février 337 au 12 avril 352.

         Mansuy exercera son ministère de 338 à 375. Le miracle le plus célèbre du saint fondateur – comme symbolique de toute son œuvre - est la résurrection du fils du gouverneur de la ville qui s’était noyé dans les marais qui entouraient la Moselle, au-delà des remparts.     

         Durant son épiscopat, Mansuy dut affronter la persécution contre les chrétiens. L’arrivée de la foi dans noter région n’avait pas provoqué de remous graves et des persécutions… le christianisme s’est comme infiltré doucement chez nous. Mais la région va connaître la persécution de Julien l’Apostat empereur de 361 à 363. Nous en reparlerons la prochaine fois.

          La première Vie de St Mansuy fut écrite seulement au 10ème siècle, par le moine Adson, abbé de Montier en Der, sous forme liturgique.

     

                St Mansuy, selon la tradition, eut pour successeur St AMON, ermite au « val de St Amon » entre Favières et Gémonville. Il y vivait avec quelques disciples. Devenu évêque, il alternait entre son ermitage, Toul et la région. On a gardé aussi le souvenir de sa lutte contre l’hérésie, sans doute l’arianisme[1]. Il fut inhumé à côté de St Mansuy à l’oratoire St Pierre. On a retrouvé son corps au 11ème siècle, sous l’épiscopat d’Hermann, et transporté ses reliques à la cathédrale.

                Les deux successeurs St ALCHAS et St CELSIN furent inhumés à côté de St Mansuy. Nous ne savons rien d’eux. Remarquons seulement qu’il y eut beaucoup d’ermites ou moines sur le siège épiscopal de Toul dans les premiers temps. L’influence « monastique »[2] fut donc très forte.    C’est une manière de vivre l’annonce de l’Evangile – le langage de la Croix comme dit St Paul[3] – qui ne vide pas la croix de son contenu : dans cette région à la civilisation gallo-romaine douce, confortable et paisible à l’époque, les témoins de l’Evangile « tranchent » par leur mode de vie érémitique et austère et montrent ainsi le « scandale de la Croix ».

     

    [1] Hérésie née à Alexandrie en Egypte à la fin du 3ème siècle qui niait la divinité de Jésus. Il était seulement un surhomme donné par Dieu, un être intermédiaire, moins qu’un dieu mais plus qu’un homme. Si Jésus n’est pas homme et Dieu, nous ne sommes pas sauvés. Le Concile de Nicée en 325 a condamné cette hérésie.

    [2] Le terme est entre guillemets pour souligner que ce monachisme là n’a rien à voir avec les formes que nous connaissons aujourd’hui. Il est plus proche de ce que nous appelons « les Pères du désert » en particulier en Egypte.

    [3] Voir la première épitre aux corinthiens les chapitres 2 à 4.

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #6

    Saint Mansuy de Toul

    6     C’est donc un évêque itinérant qui se fixe à Toul dans la seconde moitié du 4ème siècle. Plusieurs raisons sont possibles : la communauté chrétienne touloise et celles des environs sont assez fournie pour suggérer la fixation… ou bien l’évêque, vieilli et fatigué par ses courses apostoliques, éprouve le besoin de s’arrêter. On ne sait.

          Mansuy – tel est son nom ou surnom, le mot veut dire « douceur » - s’établit à Toul et construit un oratoire, se souvient la tradition., un oratoire dédié à St Pierre.

         Il ne faut pas imaginer que le premier oratoire créé par St Mansuy avait la forme d’une  « chapelle » comme aujourd’hui !… En cette période qui suit de près la Paix de l’Eglise par l’édit de Constantin de 313, ce doit être encore une sorte de « Maison église ». Une « Maison Eglise », c’est-à-dire ? En latin, « domus ecclesiae », ce qui signifie « une maison de l’assemblée ». Peu à peu on perdra le mot « domus » et on parlera d’une « église » !

          Dans un premier temps, les chrétiens se réunissent dans la maison d’un chrétien plus aisé qui dans une maison plus grande, peut accueillir la communauté. Puis on aménage des maisons déjà existantes ; dès la première accalmie de persécution qu’on appelle la petite Paix de l’Eglise – 260-275 – les chrétiens commencent à construire directement des maisons dont l’aspect extérieur est celui d’une maison mais dont l’aménagement intérieur est adapté aux célébrations chrétiennes. C’est ce style qui se multipliera avec la Paix de Constantin en 313. Mais il ne faut surtout pas penser qu’il y eut un plan uniforme tout de suite ! Nous avons plusieurs exemples de « Maisons Eglises » découvertes dans les fouilles archéologiques : la mieux conservée est à Doura Europos, dans le sud de la Syrie actuelle, à Cirta (l’ancienne Constantine) en Algérie et Théonas dans la région d’Alexandrie, en Egypte. On en trouve des traces en Provence. Récemment on en a découverte une, sous l’église Ste Euphémie à Ravenne.

         Cela peut donner une idée de l’ « Oratoire » de Mansuy. La Maison Eglise de Toul comportait sans doute comme partout, un baptistère, une grande salle pour la liturgie eucharistique, une bibliothèque pour les Ecrits Saints mais aussi pour les lettres des autres évêques, des communautés qui renseignaient sur les martyres (Passions), qui échangeaient sur de événements de l’Eglise… et un logement pour l’évêque. Quand les communautés grandiront en nombre, il faudra trouver plus grand : c’est à ce moment que les chrétiens choisiront le mode basilical hérité de la tradition romaine. Mais le style « maison église » ne disparut pas totalement ni tout d’un coup.

         C’est dans cet oratoire que logea Mansuy ; c’est là qu’il fut enterré et c’est sur ce lieu que s’édifia plus tard l’abbaye St Mansuy. Le tombeau du saint fondateur demeura dans la crypte de la chapelle de l’abbaye jusqu’à l’incendie qui ravagea tout le lieu dans els années 1980. Le tombeau du saint évêque et ses restes sont maintenant à la cathédrale de Toul.

    Histoire de la pérégrination du tombeau de Saint Mansuy, C'EST ICI

    1.pngLes ruines calcinées de la chapelle élevée sur le tombeau de St Mansuy après la destruction de l’abbatiale par la révolution française.

    2.pngNous sommes dans l’ancienne chapelle. Le chœur est devant nous. On voit encore les deux descentes dans la crypte, couvertes aujourd’hui par deux plaques de bois.

    Tombeau de St Mansuy (cathédrale) : 

    3.png

    Visage de St Mansuy sur son tombeau      

    4.png

    Le petit enfant du gouverneur, noyé et ressuscité par St Mansuy (tombeau)

    5.png

    Tombeau de St Mansuy dans la cathédrale de Toul.
    Les reliques sont dans la chapelle voisine.

    Histoire de l'identification des reliques

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #5

    5            Nous venons de nous familiariser avec la vie quotidienne et religieuse de nos ancêtres gallo-romains. Avec le 4ème siècle, le climat s’alourdit : l’Empire romain est en crise et n’assure plus vraiment l’unité des nations qui le composent et la défense de leurs frontières. Pour nous, c’est la frontière du Rhin qui devient menaçante, après le départ des Légions romaines … vers d’autres parties menacées de l’Empire.

          Alors on construit à Toul des remparts !

          Au point de vue religieux, il est difficile d’entrer dans les détails. On peut dire que la foi chrétienne se répand discrètement mais sûrement. On peut repérer l’existence de communautés chrétiennes dans les villes de Naix aux Forges[1], de Soulosse[2] et de Grand (dans la Meuse et les Vosges actuelles), à Sion[3] et à Toul, à Deneuvre (Meurthe et Moselle actuelle). Peut-être déjà quelques communautés chrétiennes dans des villas gallo-romaines… comme dans la « Villa romaine du Vermois » (Ville en Vermois en perdure le souvenir)… qui est la plus ancienne paroisse du diocèse !

         La foi est arrivée secrètement. Par qui ?

         Les militaires souvent mutés : depuis le massacre de la Légion thébaine (c’est-à-dire venant de Thèbes en Egypte, donc avec des chrétiens « coptes » depuis le 1er siècle) près d’Agaune en Suisse, on sait que les légions romaines comprennent des chrétiens qui soutiennent les martyrs durant leur exécution ou refusent d’exécuter les ordres de les mettre à mort. St Maurice de cette Légion thébaine en est un magnifique exemple. Une église lui sera dédiée au 5ème siècle par St Evre dans la banlieue de Toul. St Martin est également un bel exemple : né en 316 en Pannonie (province romaine d’Europe centrale, Hongrie actuelle), fils de militaire et donc militaire par obligation, il est muté à Amiens autour de 330… où il se convertit au christianisme… quitte l’armée et rejoint St Hilaire à Poitiers. Il est un des grands évangélisateurs de la Gaule.

           Des chrétiens en voyage à une époque où on se déplace beaucoup, et notamment quelques grandes figures chrétiennes comme St Athanase d’Alexandrie – le défenseur contre Arius, de la divinité du Christ au concile de Nicée en 325 – qui passe à Toul se rendant en exil impérial à Trêves en 336… ou St Ambroise né à Trêves et partant pour Milan.

          Il y a peut-être ici ou là des communautés chrétiennes dans l’une ou l’autre des villas gallo-romaines de la région.

         Mais la présence chrétienne doit être discrète puisqu’il n’y a pas chez nous de martyrs de la terrible persécution de Dioclétien (303-311) qui a beaucoup affaibli l’Eglise chrétienne qui ne pourra progresser que grâce à « l’édit de Milan » de Constantin en 313.

         Ces communautés chrétiennes discrètes sont visitées, formées et encouragées par des évêques itinérants. Selon la méthode évangélisatrice des apôtres – fonder une communauté, y établir des Anciens (presbuteros en grec, ce qui donnera les « prêtres ») partir pour d’autres lieux et revenir régulièrement pour des visites – les communautés fondées au 4ème siècle sont visitées par des évêques qui ont un vaste territoire sous leur charge et qui passent dans els communautés fondées pour les former, les encourager, les aider à évangéliser leur cité.

     

    [1] Une grande cité, peut-être 10 000 habitants. Voir le site sur Naix aux Forges
    [2] On y a fait de belles découvertes archéologiques, visibles autrefois à la mairie. Entre autres, une belle coupe eucharistique avec décor chrétien.
    [3] Voir au Musée lorrain les résultats des fouilles, en particulier la plaque chrétienne du 5ème siècle dont on reparlera plus loin.

  • L'histoire des Chrétiens de Lorraine (#1 à #4) ... sur RCF

    Retrouvez les propos des quatre premiers articles de l'histoire des Chrétiens de Lorraine, par le Père Bombardier, dans l'émission mensuelle de RCF :

  • Histoire des chrétiens de Lorraine #4

    4  L’autre grand temple attirant de nombreux fidèles était celui de Deneuvre au Sud Est du domaine des Leuques. Le Temple, construit au pied de l’oppidum de Deneuvre, était dédié à Hercule et le culte se rendait dans une zone de sources : la divinité romaine assumait la vision gauloise que les dieux se communiquaient aux hommes par l’eau des sources. Le mythe « des 12 travaux d’Hercule » est relu à cette époque comme un itinéraire d’humanisation que l’homme doit reproduire aidé par le dieu. C’est aussi un lieu de guérison (on ne sait de quoi) et d’exaucement : les stèles - ex voto – en témoignent.


    deneuve,saxon-sion,lorraine

           En effet, on a retrouvé de très nombreuses stèles – sculptées sur place dans la pierre locale - d’Hercule dormant ou combattant, témoignent de la ferveur et de la fréquence du lieu[1]. Créé vers 150 de notre ère, le temple connut un maximum de fréquentation dans les années qui suivirent. Puis alternent les périodes prospères et plus faibles.

       Vers 375, le lieu est systématiquement et minutieusement détruit, sans doute par la communauté chrétienne locale, assez forte, dans les années qui ont suivi l’échec de Julien l’Apostat de rétablir le paganisme dans l’Empire.

          Le musée actuel de Deneuvre (ICI) reconstitue avec minutie la réalité de l’époque prospère du Temple.

          Sur la colline de Sion, enfin, les celtes vénéraient le dieu de la Guerre Wotan et la déesse de la fertilité et de l'abondance Rosmerta.

        Lors de la conquête romaine de la Gaule, l'enceinte de Sion était une des places forte des Leuques, la concurrente de Toul. La colline connaissait alors un commerce actif avec la péninsule Italique, fait de céramiques campaniennes, d'amphores et de vaisselle métallique. Elle constituait géographiquement un point de contrôle, implanté sur l'axe nord-sud reliant la Saône à la Moselle.

         « De nombreux vestiges d’habitation ont été mis au jour sur le site pour cette période : fondations de murs, caves, fragments de mosaïques. Cet ensemble reflète une certaine richesse, qui se traduit aussi par du mobilier: fibules, épingles, plats et statuettes en bronze (dont le célèbre et magnifique Hermaphrodite[2]).  Au lieu-dit Les Grands Champs (sur la colline de Sion), une nécropole a livré plusieurs tombes à incinération ou à inhumation. Enfin, une inscription au dieu romain du commerce Mercure et à la déesse gauloise de la fertilité et de l’abondance Rosmerta semble indiquer l’existence d’un sanctuaire gallo-romain. »[3]

    deneuve, saxon-sion,lorraine

    Saxon-Sion, La Côte de Sion, Inscription en l'honneur de Mercure et Rosmerta, musée lorrain-Pierre Mignot

     Sur l'archéologie de la Colline de Sion, c'est ICI

        A ces hauts-lieux prestigieux s’ajoutent de très nombreux petits sanctuaires comme par exemple le temple, repéré en 1999, à Viomenil, dans la forêt de la Pille avec une dédicace à Apollon et Mercure. Il fut fréquenté du 1er siècle (2ème moitié) à la fin du 3ème.[4] On a découvert de très belles statues en grès et beaucoup de fragments d’autres.

        Les musées de la région contiennent de nombreux témoignages de cette époque. Un dimanche d’hiver où l’on ne sait pas quoi faire… les musées sont ouverts.

    [1] Les textes sont quasiment tous écrits en latin ce qui montre une romanisation et une latinisation précoce et forte de la région.
    [2] Que l’on peut admirer au musée du Chapitre d’Epinal parmi d’autres merveilles de cette période.
    [3] Présentation sur site de Sion.
    [4] Op.cit. p. 26 à 31