Comme en promenade…
Brève histoire de l’Eglise catholique de Nancy.
A tout Seigneur, tout honneur ! Commençons notre promenade par Nancy !
La cité porte dans ses murs, dans ses pierres, dans ses places et ses rues, toute son histoire millénaire.
C’est d’abord la Ville Vieille. Le palais ducal s’impose aux regards, à la fois austère comme un couvent du Moyen Age – n’a-t-il point un cloître ? N’est-il pas accolé à une grande église ? - et déjà pourtant maniéré et décoré comme un palais renaissant. La monarchie ducale lorraine s’est voulue résolument catholique, rempart à la fois contre les influences protestantes toutes proches et contre la pression ottomane exercée sur la chrétienté. Mais cette volonté, inspirée de la monarchie catholique espagnole était comme tempérée et adoucie par la grande influence des fils de St François, du Poverello d’Assise et de son évangélisme doux et exigeant et par le goût de la « république à l’italienne » représentée par les Etats régulièrement convoqués.
L’Italie d’ailleurs est toute présente dans cette vieille ville: de nombreuses maisons sont d’une architecture inspirée des canons de la Renaissance italienne, les toits des maisons sont plats et recouverts de tuiles comme on en trouve seulement dans le midi et en Italie...
L’arrivée de la dynastie angevine sur le trône ducal lorrain au XVè siècle a apporté au pays bien des influences de la péninsule italienne, tant au point de vue de la culture que de la vie chrétienne. Le catholicisme lorrain sera plus joyeusement tridentin que son voisin français, plus aimable, plus humaniste aussi.
Car avec la Renaissance culturelle, viendront aussi toutes les nouveautés chrétiennes italiennes et espagnoles. Les jésuites d’abord: leur noviciat et maison de retraite spirituelle était dans la maison St Stanislas qui existe toujours, dans la Ville Nouvelle construite par Charles III à la fin du XVIè siècle. Leur collège était au point central actuel ainsi que leur chapelle, l’église St Roch. Toute l’élite de la cité les fréquentera, officiers ducaux, grandes familles, tous les maîtres des métiers....
Le peuple leur préfèrera toujours un peu plus les franciscains ou les capucins installés rue St Dizier actuelle....à moins qu’il ne fréquente l’ermite Pierre Seguin qui vivait retiré sur les pentes du plateau de Vandoeuvre, conseiller des uns et des autres et surtout traducteur et diffuseur des œuvres de Ste Thérèse d’Avila, la réformatrice du Carmel.
Et il faudrait parler de tous les autres: Nancy était appelée la Cité des Moines ! .... avec les Minimes, les Tiercelins de la rue du même nom, les Antonins, les Bénédictins de St Léopold, les Prémontrés (dont l’église baroque sert aujourd’hui de temple pour la communauté protestante réformée), les Dominicains et Dominicaines (en Vieille Ville), les Carmélites, la Visitation de la même rue où le Père de Caussade, jésuite et grand spirituel du XVIIè siécle, écrira son livre: « l’abandon à la Providence divine », les Bénédictines du St Sacrement... les sœurs macarons !.. tous installés à Nancy dans le courant du XVIIè siècle.... sans oublier les Chartreux, aux portes de Nancy, à Bosserville en 1666 !
Entre la Ville Vieille et la Ville Nouvelle, se trouve la Ville de Stanislas. Toute l’exubérance du baroque.... qui vient encore renforcer le caractère étrange de Nancy. L’architecture de la Place Stanislas est bien française... mais les grilles de Jean Lamour et les fontaines de Cyflé soulignent l’influence baroque de l’Europe centrale, de la Bohême et de la Pologne chères au bon Vieux Duc Stanislas, de l’Autriche tant admirée par les ducs Charles et Léopold.... Quand la France et l’Autriche –ennemis jurés - feront alliance en 1756, les lorrains édifièrent un monument sur la Place d’Alliance, se réjouissant de voir leur antique fidélité impériale se marier heureusement avec leur nouvelle fidélité française. Cela tenait tant à coeur qu’on a pensé élever un monument pour célébrer cette unité !
La cathédrale de Nancy (depuis 1777, à la création du diocèse de Nancy) si proche en conception de l’Èglise Saint André de la Vallée à Rome, elle aussi est d’un baroque, doucement atténué: c’est sans doute pourquoi elle est si mal comprise et si mal aimée des Français.... comme d’ailleurs sa voisine St Sébastien... ou Notre-Dame de Bonsecours, ce bijou comme transplanté de Pologne ou de Bohême où reposent le duc Stanislas et son épouse Catherine.
Et puis Nancy n’a cessé de grandir. Le XIXè siècle apporte bien des nouveautés. Place Carnot, c’est l’Université. Il faut le rappeler: s’il y a une université à Nancy aujourd’hui, c’est parce que les catholiques de la ville conduits par le Baron Prosper Guerrier de Dumast se sont mobilisés et ont obtenu que soit rétablie l’antique université de Pont-à-Mousson supprimée par la Révolution et que l’Etat de 1850 voulait enterrer définitivement.
Les églises de cette époque - St Epvre, St Léon, Sacré Coeur, St Pierre, Notre-Dame de Lourdes, St Fiacre, St Joseph...- sont toutes « néo ».... gothique, romane ou byzantine. La ville est en pleine expansion et il faut construire.... L’art civil est « l’art nouveau » plus naturaliste, social et patriotique – « gagner un Sedan artistique » - que chrétien. Encore que Gallé grave bien des passages de l’Evangile sur ses vases !
Nancy, autour des années 1900, est un véritable foyer artistique et intellectuel que consacre l’exposition Internationale de 1909 au parc Ste Marie. Au même moment où les artistes de l’Ecole de Nancy créent des formes et des techniques nouvelles, une trentaine de prêtres professeurs au Grand Séminaire et dans les Ècoles catholiques de la ville, créent un nouveau dictionnaire de théologie catholique qui fait encore autorité: les abbés Vacant et Mangenot aidés de leurs collaborateurs nancéens écrivent le Dictionnaire de Théologie Catholique....en même temps que bien des laïcs se lancent dans les oeuvres.
En effet, ce qui caractérise ce XIXè siècle catholique, c’est la multitude des oeuvres, l’insatiable soif de créer des services nouveaux pour fortifier le tissu social et annoncer l’Evangile: fondations pour les orphelins, pour aider les gens de maisons hommes et femmes, catholiques sociaux à l’origine de mutuelles d’assurance, services des malades, accueil des étudiants dans une université en expansion, création de la Conférence St Vincent de Paul, animation de nombreux journaux catholiques dont un quotidien....Tout cela culmine dans le Congrès Eucharistique de Nancy en 1914. La ville garde mémoire de quelques grands personnages de l’Eglise issus de ses rangs, comme les cardinaux Matthieu et Tisserant, le Père Jean Ploussard rédemptoriste et apôtre des Touareg; elle se souvient aussi du séjour mouvementé de Charles de Foucauld, officier loin encore de la conversion.