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  • histoire des chrétiens de Lorraine #13

                Les 5ème et 6ème siècles à Toul ont vu une transformation importante de l’Eglise : le transfert du logement de l’évêque et des lieux de prière de la communauté DANS les remparts de la cité. Les invasions nombreuses (Huns, Alamans…) ont sans doute poussé à ce déplacement qui s’opéra au moment de l’invasion des Huns (451) ou après leur passage et leurs destructions à la faveur de la reconstruction.

                Les chrétiens de Toul ont donc quitté l’oratoire construit par St Mansuy où il était enterré – bientôt une communauté monastique va assurer le gardiennage de la tombe – pour s’installer dans la cité, le long des remparts dans le domaine que possédait l’évêque successeur de St Evre, St Albaud. Albaud achève l’église t Maurice commencée par Evre et installe sa résidence dans la propriété qu’il avait dans les murs de Toul, adossée aux remparts, la Cour Albaud[1], ainsi appelée jusqu’à la révolution française.

                En plus de résidence de l’évêque, Albaud (ou peut-être déjà l’un de ses prédécesseurs (St Auspice et St Ursus, on a deux dates possibles) construit trois églises l’un à côté de l’autre, un ensemble épiscopal comme souvent dans notre région (Metz et Trêves par exemple). Une Eglise est dédiée à la Mère de Dieu ( TEOTOKO en grec, définition du Concile d’Ephèse en 431), l’autre à St Etienne (son tombeau est découvert à Jérusalem en 415 et beaucoup de cathédrales reçurent ce patronage en France ) qui contenait la cathèdre de l’évêque et une dernière église, ronde, dédiée à St Jean Baptiste et qui était la baptistère.

                En effet, dans la région qui es la nôtre – la Gaule Belgique – on ne construit pas les édifices de culte comme à Rome où l’Eglise a décidé d’employer come modèle de construction la basilique romaine. De la même manière, on ne célèbre pas la messe comme à Rome. Le rite employé dans no régions et qui s’est constitué à la même époque que le rite romain, est le rite gallican : « Nous savons que cette liturgie comportait de nombreuses processions, beaucoup plus que la liturgie romaine et que les croyants étaient davantage associés au déroulement de la messe. Contrairement à la basilique romaine, où les actes liturgiques trouvaient place dans l’abside à l’extrémité de l’église comme sur une scène de théâtre et où les fidèles regardaient depuis la nef et n’entraient en action qu’à la communion, l’intérieur des églises de Gaule était plus compartimenté et partagé au moyen de clôtures. L’autel ne se dressait pas habituellement dans l’abside mais loin en avant dans la moitié orientale de la nef ; derrière se situait la zone séparée et fermée de la tombe du saint que les pèlerins pouvaient rejoindre par les bas côtés sans liaison avec l’autel… Encore au IXème siècle, le plan de St Gall montrait un vaisseau central « barricadé » avec une circulation s’effectuant uniquement par les bas-côtés. » [2]

                La liturgie gallicane est franco-germanique, très proche de ses sources orientales. Comment ces éléments sont –ils parvenus ? « Plusieurs facteurs : l’influence d’évêques orientaux de grandes Eglises ; les pèlerins gallicans qui rapportaient de Terre Sainte des traditions différentes ; la domination des Ostrogoths en Occident dont beaucoup étaient ariens ; l’influence de Jean Cassien (+435) disciple de Jean Chrysostome installé à Marseille dans les années 415-416 et apportant avec lui les traditions liturgiques et monastiques d’Orient qui ont été progressivement répandues par le monastère de Lérins. »[3] On sait que Toul et la région de La Gaule du Nord était en lien avec Lérins.

                « Si la liturgie romaine est précise, simple, pratique et sobre, la liturgie gallicane est précisément le contraire. Attaché à l’influence orientale et correspondant aux anciennes liturgies orientales, le rite gallican était poétique et théâtral, utilisant bien plus l’encens que dans le rite romain classique. Le rite gallican…introduisit l’encensement de l’assemblée plusieurs fois durant la liturgie ainsi que de l’Evangéliaire et l’autel. Il y avait aussi une plus grande variété de choix de textes liturgiques que dans le rite romain (beaucoup de variantes dans la prière eucharistique, certaines parties changeant chaque jour). Les prières s’adressaient au Christ pour combattre l’hérésie arienne, plus poétiques et donc plus longues. L’Evangéliaire n’était pas seulement porté jusqu’à l’ambon mais en une procession triomphale s’avançant au milieu de l’assemblée avec de multiples acclamations « laus tibi Christe[4] ». On réservait l’ambon à la proclamation de l’Evangile. Les autres lectures et le psaume étaient chantés sur les gradins de l’autel. Les séquences développées des fêtes accompagnaient la procession de l’Evangile. On échangeait la paix avant l’offertoire… Le rite gallican a conservé le latin comme langue liturgique. »[5]

     

    [1] Rue St Waast actuelle.

    [2] Paolo PIVA Art médiéval, les voies de l’espace liturgique Picard 2010 p. 64

    [3] p.93

    [4] « Louange à Toi ô Christ »

    [5] p. 93-94

  • histoire des chrétiens de Lorraine #12

    CIMG1649.jpg  Nous nous sommes quittés la dernière fois sur le baptême de Clovis roi des Francs par St Remy à Reims. Clovis fut catéchisé par St Waast, prêtre de Toul, prêté au Roi par St Ursus l’évêque de la cité des Leuques.

      Commence alors à Toul le service épiscopal de St EVRE de 500 à 507.

      Evre[1] était né dans l’Aube, près de Troyes, à Trancault. Tout jeune garçon, il se fit remarquer par des gestes étonnants de charité : ainsi il revint un jour sans sa cape qu’il avait donnée à un pauvre. Il fut moine un temps dans le monastère de St Maurice d’Agaune, dans le Valais suisse où il fut formé. Il y apprit l’habitude de la « laus perennis »[2] pratiquée dans ce monastère : les moines étaient constitués en petites groupes qui se succédaient au chœur de l’église du monastère pour chanter la louange de Dieu sans interruption.

      Il quitta Agaune et sans qu’on sache comment ni pourquoi il vint s’établir comme ermite dans la forêt qui entourait Toul, du côté de la route Toul /Sion.[3] C’était une habitude en Gaule d’avoir des monastères urbains, à côté des villes épiscopales : que l’on songe par exemple à Ligugé de St Martin aux ports de Poitiers du temps de St Hilaire.[4] Des disciples arrivèrent et un petit monastère fut fondé : une église en bois, une maison commune (réfectoire) et des petites huttes dispersées dans la forêt, une pour chaque moine. Par la suite, Evre entreprit de construire une église plus vaste dédiée à St Maurice.

      C’est à ce moment-là qu’il fut appelé à devenir évêque de Toul. Il continua à résider dans son abbaye. Ill ne quittait guère sa ville et son abbaye même si on le trouve à Châlons sur Saône pour arracher trois prisonniers à un procès injuste. Ceux-ci donnèrent à Toul en souvenir, leurs chaînes, qui sont dans un reliquaire. Et souvent St Evre est représenté en statue tenant ces chaînes.

      A sa mort, Evre fut enterré dans l’église St Maurice comme plusieurs de ses successeurs. On a retrouvé leurs tombes dans des fouilles du siècle dernier.

      Ce 6ème siècle de St Evre nous offre aussi un très beau témoignage de foi : il s’agit de stèle chrétienne de Nicetius. Nous sommes dans la communauté chrétienne de Sion : la ville est prospère ; les tombes découvertes à Chaouilley et datant du 6ème sont des tombes aristocratiques parmi les plus riches jamais découvertes en Lorraine. Nicetius est un jeune garçon mort précocement. Son père lui dédie une épitaphe[5] – en partie défectueuse - que voici : « Un dernier hommage t’es rendu par ces prières que l’affection d’un père le presse à t’accorder, pauvres Nicetius. Lui qui repose maintenant dans ce tombeau, l’âme confiante, il ressuscitera au Ciel avec le Christ, il aspire à recevoir le prix splendide du combat (…) avec beaucoup (…) » Nous avons là un beau témoignage de foi en la résurrection du Christ et des fidèles et une très allusion à St Paul ( le prix du combat)

      Avec St Evre, nous avons donc un diocèse – une Eglise particulière comme dit le Concile Vatican II - : un peuple de Dieu qui se développe, un évêque à la tête de la communauté avec des prêtres et des diacres, et deux formes de vie consacrée : les moines de ce qui deviendra l’abbaye St Evre… mais aussi les Vierges consacrées.

      Très tôt en effet, l’Eglise a soutenu des femmes qui ne voulaient pas se marier et refusaient le parti que leurs pères leur imposaient. La Communauté les prit sous sa protection. Elles vivaient pour le Seigneur Jésus seulement, dans le célibat, la prière et le service des autres, au cœur de l’Eglise locale, sous la protection de l’évêque. Nous savons que durant l’épiscopat de St Evre et sans doute après lui, sa sœur Aprône fut vierge consacrée à Toul. Le saint évêque et sa sœur sont représentés en fresques sur le mur du transept droit de la cathédrale de Toul.

    CIMG1647.jpg

    Reliquaire de Saint Epvre dans la basilique Saint Epvre de Nancy 

    [1] Une Vie de St Evre fut écrite vers la fin du 10ème siècle à l’abbaye de Montier en Der, sous la forme d’un texte cadencé comme une préface de la messe ou comme une prose liturgique. Voir Nicole Gauthier l’Evangélisation des Pays de la Moselle Ed de Boccard 1980 p. 230 à 248

    [2] Mot à mot « la louange perpétuelle »

    [3] La route toute droite qui passe par Colombey les Belles

    [4] Déjà au début du 4ème siècle.

    [5] Un fac-similé se trouve dans la basilique de Sion, près du chœur côté gauche.