Nous nous sommes quittés la dernière fois sur le baptême de Clovis roi des Francs par St Remy à Reims. Clovis fut catéchisé par St Waast, prêtre de Toul, prêté au Roi par St Ursus l’évêque de la cité des Leuques.
Commence alors à Toul le service épiscopal de St EVRE de 500 à 507.
Evre[1] était né dans l’Aube, près de Troyes, à Trancault. Tout jeune garçon, il se fit remarquer par des gestes étonnants de charité : ainsi il revint un jour sans sa cape qu’il avait donnée à un pauvre. Il fut moine un temps dans le monastère de St Maurice d’Agaune, dans le Valais suisse où il fut formé. Il y apprit l’habitude de la « laus perennis »[2] pratiquée dans ce monastère : les moines étaient constitués en petites groupes qui se succédaient au chœur de l’église du monastère pour chanter la louange de Dieu sans interruption.
Il quitta Agaune et sans qu’on sache comment ni pourquoi il vint s’établir comme ermite dans la forêt qui entourait Toul, du côté de la route Toul /Sion.[3] C’était une habitude en Gaule d’avoir des monastères urbains, à côté des villes épiscopales : que l’on songe par exemple à Ligugé de St Martin aux ports de Poitiers du temps de St Hilaire.[4] Des disciples arrivèrent et un petit monastère fut fondé : une église en bois, une maison commune (réfectoire) et des petites huttes dispersées dans la forêt, une pour chaque moine. Par la suite, Evre entreprit de construire une église plus vaste dédiée à St Maurice.
C’est à ce moment-là qu’il fut appelé à devenir évêque de Toul. Il continua à résider dans son abbaye. Ill ne quittait guère sa ville et son abbaye même si on le trouve à Châlons sur Saône pour arracher trois prisonniers à un procès injuste. Ceux-ci donnèrent à Toul en souvenir, leurs chaînes, qui sont dans un reliquaire. Et souvent St Evre est représenté en statue tenant ces chaînes.
A sa mort, Evre fut enterré dans l’église St Maurice comme plusieurs de ses successeurs. On a retrouvé leurs tombes dans des fouilles du siècle dernier.
Ce 6ème siècle de St Evre nous offre aussi un très beau témoignage de foi : il s’agit de stèle chrétienne de Nicetius. Nous sommes dans la communauté chrétienne de Sion : la ville est prospère ; les tombes découvertes à Chaouilley et datant du 6ème sont des tombes aristocratiques parmi les plus riches jamais découvertes en Lorraine. Nicetius est un jeune garçon mort précocement. Son père lui dédie une épitaphe[5] – en partie défectueuse - que voici : « Un dernier hommage t’es rendu par ces prières que l’affection d’un père le presse à t’accorder, pauvres Nicetius. Lui qui repose maintenant dans ce tombeau, l’âme confiante, il ressuscitera au Ciel avec le Christ, il aspire à recevoir le prix splendide du combat (…) avec beaucoup (…) » Nous avons là un beau témoignage de foi en la résurrection du Christ et des fidèles et une très allusion à St Paul ( le prix du combat)
Avec St Evre, nous avons donc un diocèse – une Eglise particulière comme dit le Concile Vatican II - : un peuple de Dieu qui se développe, un évêque à la tête de la communauté avec des prêtres et des diacres, et deux formes de vie consacrée : les moines de ce qui deviendra l’abbaye St Evre… mais aussi les Vierges consacrées.
Très tôt en effet, l’Eglise a soutenu des femmes qui ne voulaient pas se marier et refusaient le parti que leurs pères leur imposaient. La Communauté les prit sous sa protection. Elles vivaient pour le Seigneur Jésus seulement, dans le célibat, la prière et le service des autres, au cœur de l’Eglise locale, sous la protection de l’évêque. Nous savons que durant l’épiscopat de St Evre et sans doute après lui, sa sœur Aprône fut vierge consacrée à Toul. Le saint évêque et sa sœur sont représentés en fresques sur le mur du transept droit de la cathédrale de Toul.
Reliquaire de Saint Epvre dans la basilique Saint Epvre de Nancy
[1] Une Vie de St Evre fut écrite vers la fin du 10ème siècle à l’abbaye de Montier en Der, sous la forme d’un texte cadencé comme une préface de la messe ou comme une prose liturgique. Voir Nicole Gauthier l’Evangélisation des Pays de la Moselle Ed de Boccard 1980 p. 230 à 248
[2] Mot à mot « la louange perpétuelle »
[3] La route toute droite qui passe par Colombey les Belles
[4] Déjà au début du 4ème siècle.
[5] Un fac-similé se trouve dans la basilique de Sion, près du chœur côté gauche.