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VIE DE FRERE LAURENT DE LA RESURRECTION

            Frère Laurent de la Résurrection naquit à Hériménil près de Lunéville en 1614: il s’appelait Nicolas Herman, fils de Dominique Herman et de Louise Majeur. On en sait rien de son enfance ni de sa famille. Il semble ne pas avoir fait d’étude.

            « A dix-huit ans, une intuition soudaine, cosmique, de la grandeur et de la présence de Dieu le saisit profondément. C’est un rappel silencieux du Mystère divin et une première conversion. »(De Meester p.10) La découverte de la puissance de la Résurrection.

            « Un jour en hiver, regardant un arbre dépouillé de ses feuilles et considérant que, quelques temps après, ces feuilles paraitraient de nouveau, puis des fleurs et des fruits, il reçut une haute vue de la providence et de la puissance de Dieu qui ne s’est jamais effacée de son âme. Cette vue le détacha entièrement du monde et lui donna un tel amour pour Dieu qu’il ne pouvait pas dire s’il était augmenté depuis plus de 40 ans qu’il avait reçu cette grâce. » Entretien 1.

            Pourtant c’est vers la profession des armes qu’il s’oriente pour défendre la Lorraine contre la France: nous sommes en pleine Guerre de Trente Ans. Arrêté, soupçonné d’être un espion, il réussit à la dernière minute à prouver son innocence et put rejoindre les troupes lorraines. Il est blessé au cours du siège de Rambervillers en 1635 [1]et revient alors chez ses parents à Hériménil. Plus tard, il parlera des péchés de sa jeunesse et rappellera qu’à un moment, il a voulu « rectifier sa conduite passée. »Il cherche alors intensément sa voie. Il tente un moment la vie érémitique auprès d’un gentilhomme dans une solitude mais abandonne ce genre de vie qui ne semble pas fait pour lui.

            Il part alors à Paris et devient laquais de M de Fieubet.[2]Son oncle maternel – Jean Majeur –  qui est frère convers chez les carmes, exerce une réelle influence sur lui.

            A 26 ans, nous sommes à la mi-juin 1640, il entre chez les Carmes déchaux[3]de la rue de Vaugirard à Paris comme frère convers. A la mi-août, il prend l’habit brun des carmes et le nom de Laurent (patron de l’église de son village natal) et du mystère de la Résurrection. C’est durant son noviciat que Laurent découvre la spiritualité de la présence de soi à la Présence de Dieu dans le livre La discipline claustraledu carme déchaux Jean de Jésus Marie (+1615), un des livres majeurs enseignés dans les noviciats carmes.

             Frère Laurent avait fait profession solennelle le 14 août 1642. Les débuts sont austères (pendant 10 ans environ) puisque le Frère avouera plus tard avoir été déçu et avoir dit à Dieu : « vous m’avez trompé! ».Il entre dans une nuit profonde qui va durer plusieurs années dont les quatre dernières furent les plus cruelles. Il se croyait hors du salut...  « il me semblait que les créatures, la raison, et Dieu même fussent contre moi et que la foi seule fut pour moi.... Lorsque je ne pensais plus qu’en finir mes jours dans ces troubles et ces inquiétudes, dans un acte d’abandon, ... je me trouvai tout d’un coup changé. Et mon âme, qui jusqu’alors était toujours en trouble, se sentit dans une profonde paix intérieure, comme si elle était en son centre et en un lieu de repos. »

Laurent vit les 40 dernières années de sa vie dans une présence de Dieu presque continuelle.

             Pendant quinze ans, il sera le cuisinier de sa communauté parisienne qui comptera souvent plus de cent religieux ! Mais conséquence de sa blessure militaire, Frère Laurent souffre d’une jambe et devient de plus en plus boiteux. La cuisine est trop lourde: on lui confie la savaterie et l’approvisionnement en vin qui le fait voyager en bateau chaque année, en Auvergne ou  en Bourgogne.

            Le Frère a beaucoup de contacts : les ouvriers qui viennent travailler au couvent, les mendiants de la porte, les visiteurs des parloirs... Peu à peu le rayonnement de Frère Laurent  s’étend: des prêtres [4], un évêque [5], des personnes de haut rang et des pauvres le choisissent comme directeur spirituel, lui écrivent et reçoivent réponse. Fénelon est venu le voir peu avant la mort du Frère. On dira bientôt que « Tout Paris » le connaît. Au travers d’un extérieur grossier, on découvrait dans le frère une sagesse singulière, une liberté au-dessus de la portée habituelle d’un frère convers et une pénétration qui dépassait tout ce que l’on en attendait.  « Il avait le meilleur cœur du monde. Sa bonne physionomie, son air humain et affable, sa manière simple et modeste lui gagnaient d’abord l’estime et la bienveillance de tous ceux qui le voyaient. Plus on le pratiquait, plus on découvrait en lui un fond de droiture et de piété qui ne se rencontre guère ailleurs... Lui qui n’était pas de ces personnes qui ne fléchissent jamais et qui regardent la sainteté incompatible avec des manières honnêtes, lui qui n’affectait rien, s’humanisait avec tout le monde et agissait bonnement avec ses frères et ses amis sans prétendre s’en distinguer... Pendant plus d’un demi-siècle, la bonhomie toujours serviable du Frère Laurent, vivant la profondeur d’une contemplation d’où naissait la sagesse de ses conseils, avait réjoui et entraîné les frères du couvent de la rue de Vaugirard. »(id. p.18 - 19). Dans les dernières années de sa vie, il fut souvent malade, pressé de « Le voir bientôt ». Il mourut le 12 février 1691 à l’âge de 77 ans[6].

 

            Les Maximes spirituelles fort utiles aux âmes pieuses pour acquérir la présence de Dieu, œuvre de Laurent et publié en 1692 et les Mœurs et Entretiens du Frère Laurent de la Résurrectionen 1694, les deux ouvrages par les soins de l’abbé de Beaufort vicaire général de Paris eurent beaucoup de succès très rapidement.    

            Mais, lors de la querelle entre Bossuet et Fénelon sur la vie mystique - dans le contexte de l’affaire du quiétisme et de madame Guyon à la fin du XVIIè siècle en 1699 – Fénelon fut condamné mais il fit finement remarquer que ses adversaires  condamnaient chez lui ce qu’ils avaient approuvé chez Laurent ! Ce fut l’éclipse en terre catholique française du Frère et de ses écrits !

            Catholique et française … car ses œuvres furent éditées et rééditées dans le monde protestant (allemand, anglais, méthodiste, hollandais, américain….) jusqu’à aujourd’hui. A tel point que l’édition française des œuvres de 1894 est une rétroversion de la traduction anglaise ! On avait même perdu les originaux du Frère Laurent. La chance fut de retrouver en 1991 un manuscrit daté de 1745 et qui est la transcription exacte des originaux… comportant bien des différences avec le livre édité de Beaufort !! Ces « nouveaux textes » paraitront en 2014 !

 

 

 

[1]Rambervillersa une place bien marquée dans la guerre de Trente ans. C’est à Rambervillersque Charles IV, duc de Lorraine, se retrancha en 1635, et arrêta l’armée française commandée par le maréchal de la Force.

[2]Guillaume de Fieubet, né à Toulouseen 1585 et décédé à Parisen 1636 est un parlementaire de Toulouse nommé premier président du Parlement de Provence en 1636. Guillaume de Fieubet, fils du magistrat Arnaud Fieubet, est né à Toulouse en 1585. Il montre de grands talents dans la magistrature ; il est avocat général au Parlement de Toulouse, puis président à mortier dans la même cour. Il est remarqué par Louis XIIIqui le nomme le 20 février 1636premier président du parlement de Provence. Il meurt à Paris en 1636 sans avoir pu prendre possession de son siège.Il semarie à Marguerite de Saint-Pol dont il aura deux fils :Gaspard de Fieubet qui sera premier président du parlement de Toulouse et Bernard de Fieubet, intendant des finances.

[3]il s’agit des carmes réformés par St Jean de La Croix

[4]dont le vicaire général de Paris, l’abbé de Beaufort, qui a laissé une biographie de Frère Laurent

[5]sans doute Mgr Louis-Antoine de Noailles futur archevêque de Paris… et sans doute également

Fénélon archevêque de Cambrai.

[6]Nous possédons un recueil de 16 lettres du Frère, un manuscrit de « Maximes spirituelles ou moyens pour acquérir la présence de Dieu » et une biographie (composée d ‘un Eloge  et des Mœurs ) et Quatre Entretiensdu vicaire général de Paris qui fut son dirigé.

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