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moyenmoutier

  • Le Vénérable Dom Didier De La Cour

    MOINE BENEDICTIN  1550-1623

    Le monastère de Moyenmoutier et  St Hydulphe (612 - 707) son fondateur

                Le monastère a été fondé en 671 par le moine St Hydulphe, disciple de St Colomban, l’Irlandais. Né en Bavière, après des études aux écoles de Ratisbonne, il entra au monastère de St Maximin de Trêves. Après quelques années de vie monastique, il fut nommé chorévèque[1] de Trêves, et cela pendant trente années !... mais l’appel à la solitude le hante. Après un passage à Toul, c’est dans cette vallée du Rabodeau qu’il la trouve et qu’il fonde une petite solitude, Medium Monasterium, c’est-à-dire Le Monastère du Milieu, entre Senones (669)  à l’Orient, Etival à l’Occident, St Dié (670) au midi et Bonmoutier (660) au Nord, la sainte Croix des Vosges[2]. Il est bien vite rejoint par quelques disciples - Spinule, Jean et Bénigne - et il construit deux oratoires, l’un dédié à Notre Dame et l’autre à St Pierre ainsi que quelques bâtiments monastiques. Mais les disciples sont si nombreux qu’ils essaiment en petits ermitages à Hurbache, Le Ban de Sapt, St Jean d’Ormont, St Prayel, St Blaise (ancien Bégoncelle), Vézeval, La Haute Pierre, Malfosse... En l’an 1000, ces maisons sont toutes florissantes et on peut parler de « la nébuleuse monastique de Moyenmoutier ».

                Le monastère est régi par la règle mixte de St Benoît - St Hydulphe la connaissait parfaitement puisqu’elle régissait Trêves et qu’il aimait ce saint  auquel il ressemblait tant -  et St Colomban, l’austère irlandais, le maître du Val de Galilée de St Dié. Un village s’établit autour du monastère et une église paroissiale dédiée à St Evre est édifiée. Le Saint Abbé Hydulphe mourut le 11 juillet 707. « St Hydulphe fait figure d’un pionnier de grande classe. Il laissait à sa mort une oeuvre puissamment installée, d’un style original, groupant 300 moines, tant à l’abbaye que dans les celles filiales. Au coeur de cette croix « mystique », il venait de planter un centre vital, un foyer spirituel, civilisateur, dont l’éclat devait se soutenir, en dépit d’éclipses inévitables, pendant plus d’un millénaire.

    (Chan. André Laurent).

                Au XVIème siècle, la situation de l’abbaye n’est pas brillante. La commende a affaibli la communauté en nombre... et en ferveur. Et pourtant c’est la même commende qui va la sauver.... car le nouvel abbé est le Prince Erric de Vaudémont, Evêque de Verdun et abbé de St Vanne de la Verdun.

    Vaines tentatives de réforme.

                Le Concile de Trente (1545-1563) a donné des indications précises pour réformer les religieux[3] et il a demandé de réunir le plus possible les monastères en congrégation pour mieux assurer l’unité et la réforme des maisons. Le Cardinal Charles de Lorraine avait été nommé par le Pape Grégoire XIII légat pour les Trois Evêchés et les duchés de Lorraine et de Bar afin d’y mettre en place la réforme conciliaire chez les religieux, en particulier les bénédictins très nombreux. Les premières tentatives échouèrent tellement que le  bouillant légat demanda au Pape  de supprimer toutes les abbayes de sa légation !

                Devant le refus du Pape, le légat décida de procéder autrement: il choisit une abbaye qu’il voulut réformer pour qu’elle serve de modèle et de foyer pour toutes les autres. Les abbés réguliers lui indiquèrent St Vanne de Verdun et l’Evêque de Verdun , le Prince Erric, accepta. Nous sommes en 1598; le cardinal et l’évêque demandèrent aux moines de St Vanne d’élire un prieur; ceux-ci choisirent un saint religieux, Dom Didier de La Cour, persuadés que son humilité le conduirait à refuser. Ce qui arriva... mais deux moines anciens réussirent à convaincre Dom Didier d’accepter: il prit donc sa charge de prieur dans l’effroi d’une communauté mitigée qui avait élu un moine réformé !

    Le nouveau prieur

                Il était né en 1550 à Montzéville (Meuse) dans une famille de petite noblesse apparentée d’un côté à Nicolas Psaume le grand évêque de Verdun durant le concile de Trente et de l’autre à l’évêque de Toul Christophe de la Vallée.

                Profès de St Vanne de Verdun en 1575 , il étudia à l’université jésuite de Pont-à-Mousson et à Reims. Il fut ordonné prêtre en 1581. Son retour à St vanne fut très difficile: Dom Didier était un moine fidèle et très spirituel; il devint un reproche vivant pour ses confrères qui ne tardèrent pas de le renvoyer faire des études à Pont où il fut condisciple et ami de St Pierre Fourier et de Servais de Lairuelz. Il étudia les langues anciennes (grec, hébreu, syriaque) et passa un doctorat de théologie. De retour à St Vanne, la crise reprit et la communauté l’envoya en mission à Rome de 1587 à 1589 pour se débarrasser de lui. Pendant son séjour romain, Dom Didier enseigna la philosophie aux Minimes du couvent de la Trinité des Monts et ce contact sembla un moment l’attirer vers cette congrégation tant l’opposition des siens était vive à son égard. Rentrant à St Vanne en 1589, dans un climat fort tendu, il dut repartir vivre comme ermite à Rarécourt, fit un essai infructueux chez les Minimes en 1590 et rentra à Verdun. Ce fut alors huit années d’enfouissement et de persécution au monastère. En 1598, il fut donc élu prieur de St Vanne.

    La réforme monastique : les faits.

                Le Prince Erric évêque de Verdun avait obtenu du St Siège un bref papal donnant tout pouvoir pour la réforme de son ordre à Dom Didier. Le nouveau prieur procéda ainsi: ayant assez éprouvé l’opposition irréductible de certains à toute réforme, il prit la décision d’évincer de la communauté de St Vanne tous les récalcitrants en leur octroyant une pension pour vivre, en acceptant même qu’ils constituent une communauté à part dans l’abbaye. Seuls les réformés pouvaient désormais recevoir des novices. C’est d’ailleurs par la réforme du noviciat qu’il commença. Très vite quelques recrues arrivèrent et le 30 janvier 1600, il reçut la profession de cinq nouveaux moines. Bientôt, en 1603, le groupe des réformés fut suffisant pour envoyer  certains à St Hydulphe de Moyenmoutier (sur les conseils du Prince Erric de Verdun abbé commendataire de St Hydulphe) pour réformer l’abbaye sous la conduite du disciple préféré de Dom Didier, Dom Claude François. Les deux monastères créèrent ensemble une nouvelle congrégation bénédictine, de St vanne et St Hydulphe, appelée communément les Vannistes, que le Pape Clément VIII approuva le 7 avril 1604.

    La réforme monastique: les principes.

                Pour lutter contre la commende, la réforme retirait tous les pouvoirs aux abbés[4] pour les donner aux prieurs conventuels afin de sauvegarder le gouvernement monastique de l’abbaye. Le noviciat était réformé et structuré: les idées de Dom Didier furent publiées plus tard et inspirèrent les noviciats bénédictins jusqu’à la Révolution. Dom Didier introduisit la pratique de l’oraison mentale – apprise chez les Jésuites - jusque là ignorée dans la tradition bénédictine.

                Dom Didier insista également beaucoup sur la vocation intellectuelle de la vie bénédictine, « prônant une alliance indissoluble des lettres, de la science et de la piété. » Après leur noviciat , les futurs moines prêtres recevaient une formation qui durait 6 ou 7 ans, selon les candidats. Le lieu d’étude était unique pour toute la congrégation: établi d’abord à Pont-à-Mousson, il fut ensuite installée à l’abbaye de Breuil près de Commercy. Dom Didier rompait avec sa formation scolastique reçue des jésuites de Pont à Mousson pour adopter la méthode de théologie positive que son maître le jésuite Jean Maldonat lui avait enseignée. Il s’agissait de faire la théologie à partir de l’Ecriture, des Pères, des Conciles et du magistère, plus à partir de l’histoire qu’à partir de la philosophie ou de la métaphysique.

                La Congrégation était gouvernée par le chapitre général réuni chaque année. Le président de la congrégation était renouvelé chaque année et les supérieurs des maisons nommés pour cinq ans. Le voeu bénédictin de stabilité était émis pour la congrégation et non plus pour le monastère où l’on entrait. Quant au reste, les coutumes étaient celles du Mont Cassin et un bref papal de 1605 donnait aux prieurs vannistes tous les pouvoirs des abbés.

    La réforme monastique: son succès.

                Les moines du Mont Cassin envoyèrent Dom Laurent Lucalberti visiter les maisons bénédictines lorraines pour les inciter à la réforme vanniste. En sept ans, douze monastères existant choisirent la réforme de Dom Didier et une rapide extension hors de Lorraine commença, en France: le collège de Cluny à Paris, Limoges , Nouviale en Poitou, St Far de Meaux, Jumiège en Normandie.... Le Roi de France approuva très vite cette réforme et les maisons  françaises se rassemblèrent en une congrégation française !, fille de St Vanne, la congrégation de St Maur qui reprit toutes les coutumes vannistes sauf un point: les supérieurs mauristes étaient en poste autant de temps qu’il convenait sans limite de temps ni obligation de changement.

                Dom Didier de la Cour mourut à St Vanne de Verdun le 14 novembre 1623. En 1811, l’église de St Vanne menaçant t ruine, on transféra les restes du vénérable abbé dans la chapelle castrale de Monthairon (Meuse) sa patrie d’origine.

                L’essor de la congrégation de St Vanne se poursuivit très fortement jusque vers 1660. Il se ralentit alors brusquement: jusque vers 1730, la congrégation St Vanne fut déchirée par l’affaire janséniste. Ensuite, persécutée par le gouvernement royal français (la commission des réguliers)  elle reprit son essor et à la veille de la Révolution, elle comportait 622 religieux en 50 maisons.


    [1] Le chorévêque est un dignitaire ecclésiastique adjoint à l’évêque du lieu pour donner la confirmation, les ordres mineurs, pour consacrer les Èglises sans aucun pouvoir dans la direction du diocèse.

    [2] Hydulphe n’était pas sans savoir ce que St Dié avait fondé dans la ville qui porte maintenant son nom et St Gondelbert à Senones et Bonmoutier.

    [3] La 25ème session du 3/11/1563

    [4] 6 abbayes seulement de la congrégation St Vanne étaient gouvernées par un abbé régulier: Moyenmoutier, Senones, Munster, St Airy de Verdun, Faverney  et St Léopold de Nancy